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[Nouvelle version de ce texte. La
première version, qui contenait des éléments contestés
sur le terrorisme des années 80, a été modifiée]
Sélection
d'articles
sur
l'arrestation
des
FTP
Solidarité
FTP
|
Sur
l'arrestation des Francs Tireurs Partisans
Sous le nom de Francs-Tireurs Partisans,
un militant antifasciste, Yves P., parfois aidé de quelques camarades,
a entrepris de lutter contre le Front National dans la région de
Marseille, par le biais d'attentats à l'explosif. Depuis 1990, FTP
a revendiqué 10 actions. Chaque fois, il s'agit de dégâts
contre des biens matériels, et jamais contre des personnes. Voici
un peu plus d'un mois, les policiers ont remonté la piste et arrêté
deux personnes impliquées dans les attentats. Ils sont à
la recherche d'une filière plus importante, qui n'existe peut-être
que dans leur imagination. Yves P. a avoué les actions qui lui sont
reprochées et en revendique seul la paternité.
De l'usage du
sabotage
FTP a agi de manière indépendante,
pratiqué le sabotage, refusé la violence meurtrière
et s'est positionné clairement comme un mouvement de résistance
au Front National. Il est difficilement tenable de discuter sur l'efficacité
de son action, à la lumière de la situation actuelle. Tout
d'abord, rien ne permet d'affirmer que la pression qu'ils ont exercé
sur le FN ne fait pas partie des éléments qui ont permis
de le repousser, au moins provisoirement. Mais il faut se replonger dans
la situation antérieure. En 1990, la position du FN était
déjà importante, plus ou moins entretenue par la politique
de François Mitterrand. Dans les années qui ont suivie, sa
progression en PACA, culminant par la prise de plusieurs villes dont Toulon
et la participation à plusieurs majorités régionales,
a été un réel sujet d'inquiétudes. La prise
du pouvoir par le FN pouvait paraître vraisemblable. Aujourd'hui,
malgré les revers des rivaux FN / MNR, l'extrême-droite n'a
pas dit son dernier mot. Dans ces conditions, prendre les devants, commencer
à organiser la résistance n'était pas nécessairement
illégitime. Il fallait, pour cela, qu'un petit groupe en prenne
l'initiative. Dans l'éventualité où le Front National
serait arrivé au pouvoir, ce groupe aurait été en
mesure de montrer que tout espoir n'était pas vain et de poursuivre
la lutte. Dans ce
what if..., le combat de FTP avait un caractère
d'exemplarité potentielle. Ce n'est pas le régime issu, au
moins pour partie, de l'union des mouvements de résistance durant
la seconde guerre mondiale, qui peut oser affirmer le contraire. La différence
entre un Yves P. et un colonel Fabien n'est, de ce point de vue, pas bien
évidente.
Une étrange
arrestation
Sans oser l'affirmer, je ne suis
pas loin de penser que la police française a fait le même
pari. La dernière action revendiquée par FTP remonte à
un an (28 octobre 1998). S'il faut croire les journalistes, les enquêteurs
étaient sur la piste de Yves P. depuis le début de l'année,
et attendaient de pouvoir l'arrêter en flagrant délit lors
d'une action prévue au printemps, mais cette décision a été
finalement annulée. Ils l'ont arrêté à son domicile,
à la mi-octobre, donc en l'absence de flagrant délit.
Pourquoi, dans
ce cas, avoir attendu aussi longtemps ? Parmi les solutions envisageables,
rien n'interdit de penser qu'ils ont considéré que cette
"arrestation" n'était plus nécessaire, suite à la
déconfiture du FN. Autrement dit, dans cette hypothèse, ils
auraient en partie instrumentalisé l'action des FTP pour maintenir
la pression sur le Front National.
En effet, rien ne serait plus faux que
de voir le FN et la police - bras armé de l'État français,
et donc des partis au pouvoir - comme des alliés naturels. S'ils
se rejoignent sur certains points idéologiques, comme le racisme
ou le sécuritarisme, leurs objectifs ne sont pas les mêmes.
Dans la stratégie politique des partis d'alternance et la lutte
de factions pour le contrôle de l'appareil d'état, le FN servait
de repoussoir, ou de fer de lance pour détruire le vieil adversaire
gaulliste dans la stratégie mitterrandienne. Du même coup,
lorsque le parti d'extrême-droite a commencé à accumuler
les victoires, il est devenu nécessaire de le contenir, tout en
appliquant sa politique en matière d'immigration, empêcher
sa progression et en évitant d'être débordé
par les antifascistes radicaux. La quadrature du cercle...
[25/02/00] Une autre hypothèse
a été proposée, qui rend assez bien compte des éléments
connus : l'arrestation a eu lieu peu avant la prescription des premiers
faits reprochés. Autrement dit, les flics n'avaient pas d'autre
choix s'ils voulaient pouvoir retenir un maximum de charges. De plus, il
semble qu'au moins une des actions, le sabotage d'un concert de rock identitaire,
ne soit pas attribuable aux FTP : son organisation, de type professionnel,
ne ressemble en aucun cas aux autres actions. Ils ont d'ailleurs contesté
la revendication qui leur a été attribuée.
L'antifascisme
radical
Pour tenter de résoudre ce
problème, les partis de gauche ont créé l'antifascisme
"soft", propagé par des chiens de garde dont certains sont proches
de certains milieux d'extrême-droite (cf. 28/08/99
et 28/09/99). Par ailleurs, pour couper
l'herbe sous le pied du FN, le premier ministre a choisi d'appeler au ministère
de l'intérieur un homme dont le programme national-républicain
séduit à la fois la gauche "patriote" et la droite "nationale"
(et qui ressemble par bien des points à celui des nationalistes-révolutionnaires,
dont certains ont entamé des manœuvres d'approche en direction du
Mouvement des Citoyens).
L'un des paradoxes de la lutte antifasciste
radicale est devoir tenir tête en même temps à l'extrême-droite
et aux partis d'alternance, sans pour autant les assimiler complètement.
Mais dans une guerre qui comprend de nombreux camps opposés, toute
action contre l'un est susceptible de profiter à l'ensemble des
autres... Dès lors, une lutte antifasciste n'est cohérente
que dans le cadre d'un combat plus global contre le nationalisme, idéologie
liée de manière intrinsèque à l'existence des
états nationaux. La perspective anticapitaliste et "internationaliste"
- ce que je préfère appeler moondialisme révolutionnaire
- adoptée par FTP va dans ce sens.
Aujourd'hui, deux militants antifascistes
sont en prison. Ils ne sont pas innocents. Ils sont coupables d'avoir cru
en la lutte radicale, et d'en avoir tiré les conséquences
pratiques. A ce titre, ils méritent d'être soutenus.
Nicolas (19/11/99)
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