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Anarchasis a démonté une baraque à frites à Hazebrouck !

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Cet article a également été publié dans le mensuel belge Alternative Libertaire
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sources : 
Animal Libération Front Information Service 
(ALFIS) et Anti-McDo.

Réflexions sur quelques destructions de MacDo
Deux restaurants McDonald ont été détruits ces derniers jours. Le premier à Millau (Aveyron), le 12 août, a été démonté par des syndicalistes agricoles au cours d'une manifestation (19/08/99). Le second, à Merksem (Flandre) a été incendié le même jour. Cette dernière action a été revendiquée, dans un communiqué à la presse, par le mouvement De Rode Haan, section de l'Animal Libération Front. Le bâtiment est totalement détruit, mais il n'y a aucune victime. Selon la justice belge (sic!), ce serait la quinzième action contre un McDo ou un Quick menée par ce mouvement, bien que d'après la branche américaine de l'A.L.F., ils n'en revendiquerait que neuf. 
Millau : des paysans qui défendent l'agriculture biologique
 
Les deux destructions sont très différentes dans la forme comme dans les raisons. A Millau, les paysans ont agi au grand jour. Ils ont savamment démonté le chantier du McDo (en construction) et ont amené les pièces devant la sous-préfecture. Ils entendaient ainsi protester contre les surtaxes imposées par les USA, qui visent notamment le roquefort. Ces mesures douanières ont été imposées en réponse à l'interdiction d'importation de la viande bovine aux hormones américaine. Suite à cette opération, cinq militants ont été arrêtés. Quatre viennent d'être relâchés sous caution, le cinquième est toujours emprisonné. Espérons que le procès soit l'occasion d'un véritable débat sur les problèmes de l'agriculture et de l'alimentation. L'action n'était pas pour autant exempte d'ambiguïté. Pourquoi un McDo pour cible ?  Selon le communiqué de la Confédération Paysanne, "Il ne s'agit pas de faire de l'anti-américanisme mais de dénoncer la bouffe industrielle qui va prendre en otage les consommateurs [...] nous ne voulons plus de cette agriculture". Pourtant, il semble bien que dans l'esprit des manifestants, l'équation McDo = USA justifiait implicitement leur action au cours d'une manifestation contre les mesures douanières américaines. Le syndicat déclare également : "De toute évidence, les partisans de la mondialisation et les pouvoirs publics entendent porter un coup aux mouvements sociaux qui veulent s'opposer aux logiques libérales dévastatrices pour l'emploi, l'environnement, la qualité de l'alimentation et l'identité culturelle des peuples"
Le spectre de la mondialisation
C'est là que réside l'extrême complexité de l'affaire. Le mot mondialisation est une invention fabuleuse, pour les nationalistes. Jadis, si je peux m'exprimer ainsi, on était contre le capitalisme. Maintenant, on est contre la mondialisation, assimilée au libéralisme, et il devient logique de défendre son "identité culturelle" contre cette menace d'assimilation. Et McDo est devenu, avec Coca-Cola et Disney, un symbole de cette mondialisation. Une cible privilégiée pour les "anti-mondialisation" de droite comme de gauche. On comprend mieux pourquoi Bruno Mégret a pris position pour les agriculteurs emprisonnés, au nom du roquefort français contre le hamburger américain, nonobstant le fait que ceux-ci étaient militants d'une organisation qui a pris clairement position contre l'extrême-droite. C'est selon cette même logique que les nationalistes-révolutionnaires (GUD, NR, etc.) mènent des actions anti-McDo. Les ennemis de nos ennemis ne sont pas nécessairement nos amis. Il ne s'agit pas de défendre McDo. Comment être anti-nationaliste (mondialiste révolutionnaire, si on veut) et lutter contre ce trust agro-alimentaire ? Rappelons pour commencer son rôle bien connu dans la déforestation mondiale, puisque cette entreprise, premier consommateur mondial de viande bovine, utilise très largement du bétail élevé dans la forêt en Amazonie. C'est donc plutôt sur son rôle mondial comme facteur de déstabilisation écologique que sur son aspect de symbole du libéralisme US que doivent ses porter les attaques. 
Merksem : des combattants antispécistes
L'attentat de Merksem se situe dans une toute autre perspective que l'opération de Millau. Il s'agit clairement d'une attaque dirigée contre la firme Mc Donald, dans le but de lui infliger des dommages économiques. De ce point de vue, c'est assez réussi : on estime les dégâts à 1,25 millions d'Euros (contre à peine 61 000 Euros à Millau). les attentats "constituent le début d'une action continue et l'ALF compte rester en Belgique tant que les souffrances animales subsisteront", d'après les organisateurs. 

Ce n'est pas très gentil, de faire des attentats. Mais tuer des centaines de milliers de boeufs, participer à la destruction de la forêt ou utiliser l'élevage en batterie ou encore interdire les syndicats, ce n'est pas très gentil non plus. La question est plutôt de savoir si c'est une méthode très efficace. Pour faire perdre de l'argent à la multinationale, probablement, à condition de multiplier les actions. Pour créer un mouvement de sympathie pour la cause des droits de l'animal, c'est beaucoup moins sûr. Éternel débat de la théorie et de la pratique, comme dans la chanson de Boris Vian. 

Les motivations des militants de l'ALF sont avant-tout d'ordre éthique. Dans leur stratégie, chaque McDo détruit, c'est autant d'animaux en moins qui sont tués. Et si la firme elle-même croule sous l'impact financier de cette guérilla économique, cela représente une victoire dans la guerre contre l'oppression dont sont victimes les animaux domestiques. Ils se placent donc dans une position de résistance physique, très éloignée de la propagande par le fait.

Difficultés de la lutte contre les McDo
Il faut remarquer une difficulté propre à McDo et à ce type d'entreprise. Fondées sur un renouvellement très rapide du personnel et sur une répression anti-syndicale féroce, elles ne favorisent pas l'émergence d'un mouvement de lutte interne, de type syndical ou syndicaliste révolutionnaire classique. Dans ces conditions, l'action vient forcement de l'extérieur. Soit par les campagnes d'information et de boycott, soit par l'action directe. D'une certaine manière, ces actions se complètent, sans rechercher les mêmes soutiens et les mêmes effets. 

D'une manière plus générale, cela souligne les faiblesses d'une action purement syndicale, interne à l'entreprise. Celle-ci a pour but prioritaire d'améliorer les conditions de travail des employés, mais pas obligatoirement d'infléchir la politique de production. Même lorsque qu'on sera débarrassé du capitalisme, ce problème demeurera. L'autogestion, c'est-à-dire la gestion de l'entreprise par les travailleurs eux-mêmes, ne peut y répondre efficacement. Elle est nécessaire pour les problèmes internes de fonctionnement (conditions de travail, gestion, etc.), mais ne donne aucune garantie quand aux implications externes, elles demeurent importantes. Elles concernent à la fois les consommateurs, pour l'hygiène et la qualité mais aussi l'ensemble des habitants de la planète en ce qui concerne l'impact économique, écologique et éthique. Les décisions principales doivent donc être prises à ces trois niveaux. 

Hypothèses de travail pour un mondialisme révolutionnaire
J'ai choisi l'exemple du McDo, à cause de sa lourde symbolique et de son actualité. Bien entendu, cette réflexion peut s'étendre à l'ensemble du complexe agro-alimentaire. Il permet simplement de souligner plusieurs points importants, sur lesquels je reviendrais dans des articles ultérieurs. A titre d'hypothèse de travail, on peut avancer que : 

1°     Plus que jamais, l'existence de trust au niveau mondial implique un combat anti-capitaliste à l'échelle mondiale. Ce combat ne doit pas se résoudre à un repli nationaliste (de droite ou de gauche), prétendument contre la mondialisation, mais au contraire s'appuyer sur celle-ci pour démontrer l'absurdité des frontières et des états dans le cadre d'une économie-monde.

2°     La guérilla économique des antispécistes peut avoir une justification éthique, mais ses perspectives paraissent limitées si ce combat n'est pas associé à une critique globale du capitalisme, comme l'un des facteurs essentiels de l'exploitation animale au sens large. En corollaire, cela signifie que la perspective d'un changement social global ne peut faire l'économie d'une réflexion sur les relations entre l'homme et les autres espèces vivantes. 

3°    La lutte contre les trusts agro-alimentaires se place à trois niveaux de perpectives. Celui des travailleurs de ces trusts, celui des consommateurs, et tout le reste de l'humanité. L'importance de la lutte des paysans et l'essor d'une agriculture fondée sur le développement durable est une part importante de ce processus. Il importe de la prolonger en coordonnant celle-ci avec les revendications des consommateurs, c'est-à-dire en définitive, de l'ensemble de la population.

Bien sûr, l'énoncé de ces hypothèses est lapidaire. N'hésitez donc pas à répondre pour engager la discussion sur ce thème.

Nicolas (21/08/99)
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