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Une nouvelle restriction de la démocratie proposée par une commission parlementaire Parler de démocratie à propos de la Ve République a toujours quelque chose de surréaliste. On ne peut pourtant nier l'existence d'un certain nombre de garanties importantes, dont l'existence du droit de vote. J'ai déjà été amené (17 juin) à exposer comment le système électoral élimine purement et simplement les voix discordantes, favorisant une simple alternance des deux ou trois mêmes partis au pouvoir. Ce système présente des failles. Régulièrement, des formations parviennent à franchir les barrières et à obtenir des élus. Ce fut le cas pour le Front National, pour les Verts, pour CPNT et plus récemment pour la coalition LO-LCR, pour ne citer que que ceux-là. Le développement de l'abstentionnisme, qui frappe durement les grands partis, favorise l'ascension de nouveaux pôles électoraux. D'où la polémique sur la proportionnelle, souhaitée par ces nouveaux arrivants et naturellement rejetée par les anciens.Le financement public des partis en place Un groupe de députés vient de faire une proposition qui permettrait d'éviter le renouvellement de ce phénomène : c'est la commission d'enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers, publié le 10 juin 1999. Quel rapport entre la situation économique des sectes et le système électoral ? Selon ce rapport, certaines sectes utilisent la participation aux élections comme source de revenus, via la loi sur le financement public des partis (lois du 11 mars 1988 et 15 janvier 1990). Comme l'indique le rapporteur, dans l'état actuel de la loi, "Le principe de la liberté de constitution des formations politiques interdit en effet à la CCFP [Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques] de soumettre son agrément à une quelconque appréciation sur le caractère réel et sérieux du projet développé par le groupement concerné". Fort heureusement, d'ailleurs ! le contrôle est donc strictement d'ordre budgétaire. Le Rapport expose le fonctionnement de cette loi pour les législatives. Le fonctionnement du financement est le suivant : la subvention totale (526,5 millions de francs en 1999) est partagée en deux parts égales. Une des part est versée aux partis ayant des élus au parlement, l'autre est répartie entre les formations ayant présenté au moins cinquante candidats (ou exclusivement des candidats présentés dans les Dom-Tom). Un seuil de 5 %, initialement prévu dans la loi, a été annulé par le conseil constitutionnel. La même somme est versée chaque année jusque la fin de la législature. On retrouve ce fameux seuil des 5 % pour le remboursement des frais de campagnes électorales. C'est-à-dire que seuls les partis ayant dépassé la fatidique barre bénéficient d'une telle aide. Là encore, on retrouve la crainte de voir apparaître de nouvelles forces politiques. On comprend donc l'objectif. Sous couvert de moralisation de la vie politique (lutte contre le financement occulte), on fait un énorme cadeau aux partis en place, une obole aux groupes capables de présenter 50 candidats, et rien du tout pour les autres, qui sont exclus du partage du gâteau. Comme ces derniers n'ont pas de moyens financiers, ils ne peuvent présenter assez de candidats, et n'auront donc pas droit à une aide publique. Le seuil des 5 %, qui faisait partie du projet initial, permettait également d'écarter les petites formations. Il s'agit donc encore uniquement de favoriser l'alternance en écrasant tout renouveau politique éventuel.L'enjeu médiatique de la télévision Un autre enjeu est le temps de parole à la télévision. Compte tenu de l'impact attribué à ce média, c'est une question importante pour les rédacteurs du rapport. En effet; "tout parti ou groupement présentant au premier tour de scrutin des élections législatives au moins 75 candidats a accès aux antennes pour une durée de 7 minutes au premier tour et de 5 minutes au second." Le Conseil supérieur de l'audiovisuel déplore que cette loi permette aux groupes dénoncés comme des sectes de bénéficier d'un temps de parole. Et les rapporteurs de commenter : "Avec la multiplication des formations dénuées d'une telle représentation, l'application de ces conditions aboutit à des résultats qui peuvent sembler peu conformes à une juste répartition des temps de parole. Est-il normal qu'aux dernières élections européennes et législatives, le Parti de la loi naturelle ait disposé du même temps de parole que, par exemple, les partis issus du mouvement écologique ?" Autrement dit, pour les rapporteurs, le temps de parole devrait être calculé selon leur crédibilité supposée, c'est-à-dire, leur participation au jeu de l'alternance.Derrière la chasse aux sectes, le blocus politique On retombe donc toujours sur le même problème : quelque soit le seuil, on élimine purement et simplement les voix d'électeurs qui pourtant ont joué le jeu, ont choisi d'exprimer leur voix. Mais pour les rapporteurs, cette question simple paraît négligeable, car l'objectif est précisément d'interdire l'émergence de nouvelles forces politiques, du moins par la voix électorale. Examinons la deuxième proposition : Ce principe, effectivement appliqué pour les présidentielles, est précisément l'un des plus critiquables dans le système électoral français. On ne peut trouver de combine plus astucieuse, pour empêcher de nouvelles formations d'émerger, que de leur demander d'être parrainées par les élus déjà en place! En outre, on sait que certaines organisations (le tandem LO-LCR par exemple) se défendent de faire de l'électoralisme, mais considèrent que l'accès à la télévision leur donne une tribune inespérée, ce qui justifie la participation aux élections. Cette proposition montre donc clairement la volonté des rapporteurs d'empêcher les organisations minoritaires de s'exprimer en public. La lutte contre les sectes n'est ici qu'un alibi pour faire passer des mesures antidémocratiques. Pour l'heure, on ne sait pas encore quelles suites seront données à ces propositions. Elles seront certainement discutées à l'approche des prochaines échéances électorales, municipales ou législatives. Le simple fait qu'elles soient exprimées montre dans quel mépris nos députés tiennent la Démocratie. |