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Les informations sur la situation
au Daghestan proviennent de Vladimir Bobrovnikov,
"Quel avenir pour le Daghestan ? Projets et réalités", in
Bulletin de l'Observatoire de l'Asie Centrale et du Caucase, n°
2, mai 1996. |
La
guerre au Daghestan,
nouvel épisode
de la barbarie nationaliste
Une fois de plus, la Russie
part en guerre contre des sécessionnistes. Après la Tchétchènie,
c'est au Daghestan qu'un groupe armé vient de proclamer l'indépendance,
sous la forme d'une république islamique. Boris Elstine a aimablement
averti la "communauté internationale" qu'il considérait cela
comme un problème intérieur russe.
Le rêve
sanglant de la république monoethnique
Aujourd'hui, c'est le Daghestan,
ou plus exactement, la minorité musulmane wahhabite. Mais le Daghestan
ne constitue pas, selon les critères habituels des nationalistes,
une entité ethnique. Il y aurait 36 ethnies recensées en
1926, et encore 13 actuellement, les plus petites ayant fusionné
dans les grandes. Je ne sais pas si ce vocable d'ethnie recouvre une réalité
très claire, mais il est certain que, si l'on applique le fameux
principe nationaliste : une terre, un peuple, il faudra à terme
diviser ce petit pays en 13, voir en 36 unités ethniques. Certains
semblent déjà y songer, parmi les peuples
Koumyks,Nogaïs
ou Cosaques du Terek notamment, puisque des mouvements luttent pour
des républiques monoethniques.
Évidemment, pour créer
ces 36 unités monoethniques, il faudra d'abord disposer de territoires
homogènes de ce point de vue. A titre d'exemple, les terres considérées
comme historiquement
Koumyks ne sont peuplées qu'à
13% de Koumyks. La déportation ou la "purification" des 87%
restants est donc un préalable nécessaire à la création
d'une république
Koumyk. On retrouve là un scénario
bien connu, macabrement illustré par la situation de l'ex-Yougoslavie.
L'engrenage
nationaliste
Cette situation est un piège,
dès qu'on met le doigt dans l'engrenage nationaliste, fusse sous
le couvert de l'anti-impérialisme. Le fameux droit des peuples à
disposer d'eux même, ou l'autodétermination prônée
par certains, sont des slogans creux face à la complexe imbrication
des populations sur un même territoire.
Heureusement pour l'opinion publique,
les indépendantistes du Daghestan sont des musulmans fondamentalistes,
et ils ne sont pas soutenus par les autorités "légitimes"
du pays. On n'est donc pas réellement tenu de choisir un camp, et
on ne verra donc pas d'objection majeure à ce qu'ils soient anéantis
par les bombardements russes. Les loups se bouffent entre eux...
Mais cette guerre va se répéter,
indéfiniment, puisqu'on se trouve dans la zone de conflits ou se
heurtent l'impérialisme russe, l'influence turque et les mouvements
islamistes. Les futurs conflits sont déjà en germe. Cette
situation n'est pas propre au Daghestan. Elle est celle qui déchire
encore l'ex-Yougoslavie, elle peut être celle de la Belgique ou de
la France demain, si on se laisse prendre au piège nationaliste,
si on donne le moindre crédit à ce type de revendications.
Contre le nationalisme
de gauche
Ce n'est pas uniquement la
droite ou l'extrême-droite nationaliste que je vise en écrivant
ces lignes. En effet, le monoethnisme est précisément leur
programme. Ou encore les nationalistes dits de gauche, comme l'historien
Max Gallo ou le politicien Jean-Pierre Chevènement, qui reprennent
le même discours avec une phraséologie "républicaine".
Non, je pense surtout à ceux
qui, comme en 1914, ont succombé aux charmes de l'Union sacrée
contre la Serbie, ou ceux qui ont cru bon aujourd'hui de soutenir
le nationalisme serbe en invoquant la lutte contre l'impérialisme.
Je pense également à ceux qui, avec les meilleurs sentiments
de gauche, communistes ou même anarchistes, soutiennent volontiers
les mouvements nationalistes basques, bretons, irlandais et j'en passe,
en faisant mine de croire qu'ils se battent ainsi contre les États
français ou britannique. Dangereuse confusion.
Je pense également aux mouvements
trotskistes (LO, LCR, GR, VdT,...) qui, dans une belle unité, ont
soutenu récemment l'idée d'autodétermination pour
le Kosovo. Ont-ils songé un instant qu'il n'y a pas plus d'unité
"ethnique" au Kosovo qu'il n'y en avait dans la fédération
Yougoslave ? Ca ne semble pas les avoir empêché de soutenir
un nationalisme contre un autre.
Est-ce que l'on combat l'État
lorsqu'on propose de créer un nouveau pays, de nouvelles frontières
? Ou est-ce qu'on ne donne pas plutôt sa caution à la barbarie
nationaliste ?
Nicolas (31/01/00)
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