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Hamas, ou
le miroir des frustrations palestiniennes Par Agnès
Pavlowsky, L’Harmattan 2000, 223 p. Depuis
que la première guerre globale est en marche, nous éprouvons toutes le besoin
de comprendre, d’analyser la situation, de conserver notre lucidité. Notre
capacité à peser sur la situation est très faible, et il ne nous reste que le
droit de constituer notre propre analyse à partir des matériaux auxquels nous
avons accès. La
question palestinienne est l’une des clefs de la situation, parce qu’elle
polarise plusieurs antagonismes majeurs et qu’elle s’est
internationalisée de longue date. Le livre d’Agnès Pavlowsky permet de bien
comprendre l’un des aspects essentiels pour la compréhension de
l’actualité : l’émergence du Hamas et de l’islamisme en Palestine, sur
fonds d’installation de l’Autorité Palestinienne après les accords d’Oslo en
1993. Le
Hamas (Mouvement de la Résistance Islamique) est né en 1987, sous l’influence
des Frères musulmans. Il s’appuie sur un réseau très actif d’associations
caritatives et culturelles musulmanes. Son idéologie est en totale opposition
avec le laïcisme et le progressisme de l’OLP. Elle insiste sur l’Islam comme
réponse globale à toutes les questions éthiques et politiques, et
particulièrement sur une morale et des valeurs familiales strictes. Autrement
dit, sur l’oppression des femmes : une partie des activités des jeunes
militants du Hamas consiste à s’attaquer aux femmes trop libres à leur goût.
La dénonciation systématique de la corruption des mœurs des dirigeants
palestiniens fait partie de leur phraséologie. L’idéologie du Hamas est
l’expression même du contrôle social de la sexualité, de la biologisation des
rapports sociaux. Qui
sont les militants du Hamas ? Pour la plupart, ils sont nés dans des
camps de réfugiés, ont fait des études à l’étranger, sont revenus en
Palestine et ne trouvent pas un travail conforme à leurs diplômes :
c’est, brossé à grands traits, le tableau sociologique qui se dégage de
l’étude d’Agnès Pavlowsky. Qui sont les martyrs du Hamas, ceux qui pratiquent
les attentats-suicides ? Ici, le tableau se précise : pour la
plupart, ils ont participé à l’Intifada dès l’adolescence, ont déjà été
arrêtés et torturés par les autorités israéliennes. Pourquoi
ont-ils adhéré au Hamas ? Au-delà de la diversité des parcours
personnels, ils sont des déçus de l’OLP et de l’Autorité palestinienne.
L’aura de Yasser Arafat s’est dissoute dans les compromis avec l’état
israélien et la banalité de la politique quotidienne. Pour une génération élevée
dans l’espoir d’un état palestinien régnant sur l’ensemble de l’ancien
territoire de la Palestine, le Hamas incarne un nationalisme sans
concessions, qui associe dans son programme les revendications territoriales
qui furent celles de l’OLP et un islamisme globalisant, déjà post-national
par de nombreux aspects. L’Autorité palestinienne se retrouve piégée par la
distance entre l’idéologie qu’elle a développée tant qu’elle était dans
l’opposition, et sa réalité en tant qu’Etat. L’Islamisme
apparaît ainsi, en Palestine comme dans d’autres pays, comme le produit de
l’échec du nationalisme arabe d’inspiration socialiste des générations
précédentes. Dans une situation de malaise social et politique intense, il
donne une réponse globalisante, à la fois en termes de mouvement, de
perspectives et de vision du monde. Existe-t-il aujourd’hui dans le monde
arabe — et en langue arabe — une vision réellement alternative, qui pourrait
exprimer ce malaise non dans un sens réactionnaire, mais dans une perspective
de libération politique et sociale ? Il est permis d’en douter. Que
peut-on faire ? Aider les quelques libertaires et révolutionnaires du
monde arabe, traduire des textes et les faire circuler, engager la discussion
non pas sous la forme d’un soutien « critique » aux nationalistes,
mais d’une critique du nationalisme. Nicolas
(19/10/01) |