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Le Cercle
social répond à M. Paul Ariès
Dans sa dernière publication
" Libération animale ou nouveaux terroristes ? Les saboteurs
de l’humanisme " (Golias, juin 2000), Paul Ariès, docteur en
sciences politiques et chercheur associé au Centre d’études
et de recherches de l’Institut d’études politiques de Lyon 2 (France)
interprète les positions politiques du Cercle social comme
ultralibérales, anti-identitaires, pro-terroristes et... pro-pédophiles.
Face à ses attaques malhonnêtes et irrecevables, nous tenions
à rétablir la vérité sur nos engagements.
Peut-on vraiment parler de méthode
d’analyse critique dans le cas de Paul Ariès ? Celui-ci n’étudie
strictement pas les textes et actions des groupes cités dans le
cadre de travaux scientifiques en sciences politiques, mais cherche bien
à attaquer les défenseurs des animaux par des exemples piochés
au petit bonheur la chance, au nom d’un humanisme flou qu’il ne se donne
jamais la peine de définir. Ce procédé permet à
notre savant politologue de donner une image extrêmement déformée
de nos points de vue et critiques, tout en évitant soigneusement
de remettre en question ses propres postulats idéologiques et dogmatiques
: la revue Golias, son éditeur, est une association de catholiques
de gauche, dans la lignée d’Économie et Humanisme
et de la théologie de la Libération.
Le Cercle social
est radicalement anticapitaliste et antinationaliste
Pour appuyer sa thèse
que l’antispécisme est un anti-humanisme, Paul Ariès cite
l’un de nos articles, daté du 21 août 1999 et intitulé
" Réflexions sur quelques destructions de McDo ", également
publié par la revue belge Alternative Libertaire (n° 222, novembre
1999). Dans ce texte, nous comparions deux actions récentes : le
démontage du restaurant McDo de Millau (France) par des syndicalistes
paysans et l’incendie de celui de Merksem (Allemagne) par des combattants
antispécistes (rappelons que l’antispécisme est la lutte
contre les discriminations envers les autres espèces animales).
Cet examen critique nous amenait à formuler une réflexion
plus générale sur les conditions et les limites de la lutte
contre le trust agroalimentaire MacDonald. Mais ce que cite Paul Ariès
dans sa publication est une demi-page de notre article, amputé à
cinq reprises, lui permettant de conclure que : " L’antispécisme
accuse donc l’humanisme de protéger l’ordre établi en défendant
les identités. Un groupe [ le Cercle social ] explique ainsi que
la lutte de José Bové contre la Mal-bouffe serait antipathique
car elle combattait la mondialisation alors qu’il faudrait l’amplifier
pour casser les cultures " (in Libération animale...,
p. 84-85).
Relevons au passage avec quelle facilité
Paul Ariès fait de la pensée d’un seul groupe – dont l’importance
et le crédit ne font l’objet d’aucune évaluation – l’expression
de l’ensemble des antispécistes ! Pour accréditer sa thèse,
notre auteur néglige des aspects essentiels. Dans ce texte stigmatisé
par Paul Ariès comme antihumaniste et pro-mal-bouffe, nous défendions
en réalité sans aucune ambiguïté les droits des
consommateurs. L’un des trois points de notre conclusion prônait
que : " La lutte contre les trusts agro-alimentaires se place à
trois niveaux de perspectives. Celui des travailleurs de ces trusts, celui
des consommateurs, et tout le reste de l'humanité. L'importance
de la lutte des paysans et l'essor d'une agriculture fondée sur
le développement durable est une part importante de ce processus.
Il importe de la prolonger en coordonnant celle-ci avec les revendications
des consommateurs, c'est-à-dire en définitive, de l'ensemble
de la population ". Avec le recul, cette proposition s’avère
vérifiée : les rassemblement de Seattle (USA), puis de Millau
(France) sont une bonne illustration de cette jonction entre luttes paysannes
et défense de consommateurs. Gageons que Paul Ariès en déduira,
selon sa méthode d’analyse par généralisation abusive,
que c’est le Cercle social qui a inspiré ce " forum "...
Paul Ariès nous définit
comme des anti-Bové ! Si notre investigateur avait pris la peine
de surfer un peu plus sur notre site, il aurait lu un article antérieur
(19 août 1999) où nous appelions à défendre
sans réserve les prisonniers de Millau. Pourquoi cette volonté
de qualifier le Cercle social d’" anti-Bové " ? A qui profite
le crime ? Manifestement, l’auteur fait appel aux sentiments pro-Bové
du lectorat habituel des éditions Golias, c’est-à-dire la
" nouvelle gauche ", pour susciter la désapprobation envers ces
" antispécistes " que l’on présente comme opposé-e-s
au symbole du combat contre la mondialisation économique.
Ainsi, dans un bref passage, coupé
comme il se doit par Paul Ariès, le Cercle social dénonçait
le glissement de vocabulaire de " capitalisme " à " mondialisation
". Pour nous, ce glissement sémantique, loin d’être neutre,
évacue la lutte contre le capitalisme au profit d’une simple dénonciation
de son cours actuel, selon une vieille technique réformiste. C’est
ce qui nous faisait dire que le mot " mondialisation " est une aubaine
pour les nationalistes, qui retrouvent un terrain idéologique favorable
: la presse d’extrême-droite dénonce, à longueur de
pages, le mondialisme, c’est-à-dire l’idée d’une unité
planétaire, et cet autre glissement de mondialisation à mondialisme
apparaît désormais couramment dans la presse de " gauche ".
Un autre passage coupé par
Paul Ariès portait précisément sur le soutien de Bruno
Mégret à José Bové. Le syndicaliste de la Confédération
paysanne a effectivement été obligé, à de multiples
reprises, de se défendre contre l’accusation de souverainisme et
de dénoncer les soutiens venus de l’extrême-droite. En août
dernier, alors que J. Bové n’était pas encore médiatisé,
c’était une interrogation fort légitime, et nous ne sommes
pas les seuls à avoir craint une telle dérive.
Antinationalistes, nous avons effectivement
formulé des réserves sur le risque d’une dérive du
mouvement anti-mondialisation dans une direction identitaire et patriotarde.
Notre objection ne portait donc pas sur l’identité culturelle en
tant que telle, mais sur le culte des racines et d’une identité
atavique prêchés par l’extrême-droite. On ne sait que
trop bien que la gauche n’est pas immunisée contre cela : c’est
l’un des fondements de ce qu’on a pu appeler la " lepenisation des esprits
".
Le Cercle social
combat l’identitarisme et le traditionalisme
Le texte cité est
suivi, dans le livre de Paul Ariès, d’une série de commentaires
qui nous laissent rêveur-se-s sur la manière dont notre prose
peut être interprétée : " ce discours ‘mondialiste
révolutionnaire’ prépare culturellement le terrain au règne
du marché. Il sape en effet jusqu’aux notions même d’identité,
de culture, de patrimoine, de racines, etc. Il empêche en cela de
prendre conscience des dangers véritables qui nous menacent aujourd’hui.
L’industrie multiplie pourtant les produits chimiques provoquant une
dégénérescence humaine au point de dérégler
notre système hormonal et de provoquer la baisse de la fertilité
masculine, le développement de malformations, de cancers, de certains
troubles de comportement, etc. Faut-il croire là encore que lutter
contre ces menaces pour notre identité serait ‘réactionnaire’
? "
Laisser entendre, comme le fait
le politologue, qu’il puisse y avoir un rapport entre l’identité
culturelle des peuples et les problèmes de baisse de la fertilité
masculine, c’est un point sur lequel nous le laissons seul juge, mais nous
ne voyons pas en quoi cela a le moindre rapport avec nos positions. Comme
on peut le remarquer, sa pratique de l’enchaînement d’idées,
sans rapport entre elles, crée un climat extrêmement malsain
dans lequel l’argumentation et la singularité du discours politique
n’ont plus cours.
Malgré la fine analyse de
notre auteur, ses conclusions à notre encontre s’avèrent
erronées sur trois points :
1°, que nous soyons pro-capitalistes.
Ayant savamment effacé de son texte toute allusion à notre
engagement anticapitaliste, qui aurait risqué d’infirmer sa thèse,
Paul Ariès nous croque comme les champions de la mondialisation
néolibérale, alors que nous nous sommes sans ambiguïté
opposé-e-s au capitalisme, qu’il soit libéral, mixte ou d’état.
2°, que nous soyons adversaires
de toute culture. Si nous dénonçons les aspects réactionnaires
de l’identitarisme et du traditionalisme, la tendance à penser la
culture en termes figés, de " racines " et non de " branches ",
c’est-à-dire de reproduction inconditionnelle du passé, c’est
pour mieux appuyer une réflexion sur l’avenir que l’Humanité
souhaite librement se donner, sur les bases éthiques des droits
de l’Homme et du respect des êtres vivants. Nous n’avons aucune objection
à la diversité culturelle quand celle-ci est fondée
sur le libre choix de l’individu-e. A ce titre, nous défendons le
patrimoine culturel, en fondant celui-ci sur la connaissance de l’histoire,
de l’art et de la mémoire.
3°, sur les " dangers véritables
qui nous menacent aujourd’hui". Nous essayons toujours, contrairement
à Paul Ariès, de ne pas prendre les effets pour les causes,
c’est-à-dire que, si nous dénonçons comme lui la destruction
de la planète par la pollution et que nous rejetons la marchandisation
du vivant, nous ne considérons pas cela comme une dérive
du capitalisme, mais comme ses manifestations normales, comme le développement
de la logique du productivisme et de l’accumulation capitaliste. La revue
Golias,
dont Paul Ariès est un éminent rédacteur, est membre
d’ATTAC, association qui propose de brider le capitalisme en imposant un
contrôle citoyen des multinationales. Nous proposons, de manière
plus pragmatique, de détruire le capitalisme et d’en finir avec
l’aliénation par le travail.
La position que nous prête Paul
Ariès de vouloir " amplifier la mondialisation pour casser les
cultures " semble s’appuyer sur le premier point de notre conclusion
(qu’il se garde bien de citer) : " Plus que jamais, l'existence de trusts
au niveau mondial implique un combat anti-capitaliste à l'échelle
mondiale. Ce combat ne doit pas se résoudre à un repli nationaliste
(de droite ou de gauche), prétendument contre la mondialisation,
mais au contraire s'appuyer sur celle-ci pour démontrer l'absurdité
des frontières et des états dans le cadre d'une économie-monde.
"
La formulation est lapidaire, certes, mais ne peut pas être envisagée
comme le lit Paul Ariès. Il ne s’agit pas d’appuyer la mondialisation
économique, mais d’affirmer qu’à l’heure où le pouvoir
des trusts est devenu mondial, lutter pour une nouvelle forme d’étatisme
et de protectionnisme serait rétrograde et réactionnaire.
Ce que notre auteur dénonce
comme une position antispéciste, c’est en fait l’internationalisme
du mouvement anarchiste et communiste, l’idéal révolutionnaire
d’une planète libérée du capitalisme et de l’état.
Le Cercle social
associe antispécisme et anticapitalisme
Spécialiste de la
lutte anti-McDo – à tel point qu’on peut se demander dans quel but
Paul Ariès s’étend si complaisamment sur les méthodes
d’action d’Animal Liberation Front – il semble mal digérer
notre phrase suivante : " Et McDo est devenu, avec Coca-Cola et Disney,
un symbole de cette mondialisation ".
Il s’agit bien ici d’un point de rupture
essentiel entre les révolutionnaires et les réformistes :
les révolutionnaires combattent le capitalisme dans son ensemble,
et non pas, comme les réformistes, tel ou tel trust. Certes, les
méthodes de management et de gestion de McDo sont l’une des expressions
les plus achevées du capitalisme actuel, mais la réduction
du système économique à quelques symboles pris isolement
est toujours une manière de se voiler la face tout en flattant un
vieux fond " antiyankee ".
Autre caviardage d’autant plus suspect
qu’il ne porte que sur quelques mots. Paul Ariès nous fait dire
: " Ce n'est pas très gentil, de faire des attentats. Mais tuer
des centaines de milliers de bœufs, participer à la destruction
de la forêt (...) ce n'est pas très gentil non plus. ".
Voici les mots supprimés (entre parenthèses) par notre politologue
: " ou utiliser l'élevage en batterie ou encore interdire les
syndicats ". Autrement dit, il préfère passer sous silence
le fait que nous défendons la liberté syndicale pour les
travailleurs de l’agroalimentaire, comme il masque notre appel à
défendre les syndicalistes paysans emprisonnés. Cela s’explique
par la volonté de Paul Ariès de nous présenter exclusivement
comme des antispécistes, alors que cela ne constitue que l’un des
éléments de notre réflexion anticapitaliste libertaire.
En effet, la manière dont Paul
Ariès a opéré des coupures dans le texte cité
tend à nous présenter comme des supporters inconditionnels
de l’organisation combattante Animal Liberation Front, auquel son
livre est largement consacré. Notre article tendait au contraire
à montrer les limites de la stratégie d’ALF. L’un des trois
points de notre conclusion indiquait que : " La guérilla économique
des antispécistes peut avoir une justification éthique, mais
ses perspectives paraissent limitées si ce combat n'est pas associé
à une critique globale du capitalisme, comme l'un des facteurs essentiels
de l'exploitation animale au sens large ". Il s’agissait donc bien
d’un texte critique, dans lequel nous définissions une orientation
à laquelle nous nous sommes tenu-e-s depuis : l’antispécisme
devrait être une composante de l’anticapitalisme, parce que ceux
qui profitent réellement du spécisme sont les trusts agroalimentaires
et pharmaceutiques.
Quand Paul Ariès
pratique la calomnie...
Il serait fastidieux de relever
ici les piques adressées au Cercle social tout au long du
livre de Paul Ariès, mais il est essentiel de relever l’insulte
qu’il nous réserve à la page 104. Vous nous excuserez de
la citer sans coupure : " Il y a, à notre sens, une continuité
intellectuelle entre les revendications en faveur d’une certaine légalisation
de la pédophilie (dite douce) et celle du travail (humanisé
à des (grands) enfants . l’enfance en tant que figure de la faiblesse
et de la protection due à tous les faibles tend à devenir
incompréhensible dans une société refusant les faibles
et la part de faiblesse de chacun. Notre société est victime
de sa course à la toute-puissance, de sa croyance dans son pouvoir.
Les appartenances ou les dépendances humaines constituent autant
de bornes à ses perversions. défendre l’humanité,
c’est être accusé de spécisme, défendre les
enfants ce serait être ‘âgiste’... Loin donc de refuser cette
loi du marché, l’antispécisme lui reproche de ne pas accoucher
assez vite de la société qu’elle porte : il s’en prend ainsi
à tout ce qui freine encore cette indistinction. On explique ainsi
que tous les adversaires de McDo ne sont pas nécessairement sympathiques
dans la mesure où ils combattent la mondialisation et la destruction
souhaitable des identités. L’antispécisme, après avoir
perverti les notions d’humanisme, d’égalité, de démocratie
etc. pervertit ici celle de révolution en la réduisant au
rôle d’accoucheur des tendances de ce monde ". Inutile de dire
que la fin de ce passage vise explicitement les positions qu’il nous a
attribué-e-s quelques pages plus haut. Ici, dans un glissement d’idées
abjectes et absurdes, il nous associe aux défenseur-se-s de la pédophilie
!
Nous acceptons volontiers le débat
politique, nous nous défendons avec bonne humeur contre les déformations
de notre pensée, mais nous refusons tout net cet amalgame délirant.
Accuser injustement ses adversaires de défendre l’ignoble, c’est
une manœuvre scandaleuse dans laquelle Paul Ariès dissout son honneur
de chercheur et de militant pour se joindre à la meute des pamphlétaires
réactionnaires et haineux, des pisse-lignes crapuleux, des margoulins
de la pensée.
Le Cercle social (07/07/00)
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