les polars à la papa  
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Les Libertaires de la queue, ou considérations mesurées sur la lecture dite prolétaire : le polar français
 
"La présence de chaînes métaphoriques liant les fantasmes de sexualité et de violence à une imagerie de prophylaxie sociale est repérable dans tous les discours qui, au sein d'une société, visent à l'élimination soit symbolique ou physique." Serge Quadruppani, L'antiterrorisme en France ou La terreur intégrée. 1981-1989. Préface de Gilles Perrault, Éditions la Découverte, 1989, p. 245 . 
Convalescence, vous savez c'que c'est ? La cervelle dans la marmelade, le regard hagard, bref le moment où les yeux ont du mal à accrocher sur le dernier best-seller de Spinoza (paraît qu'il est la mode) ou celui de Helvétius. Alors je me suis rabattue sur les polars. Non pas que ce soit mon truc, mais c'est vrai que c'est du pisse-lignes qui se lit tout seul et paraît que ça détend les méninges, dont acte. Le S@S de la gauche bien bandante A vrai dire la dernière fois que j'en avais lu, c'était il y a deux ans dans un contexte identique : j'étais cloîtrée au fond de mon plumard avec comme seul champ d'horizon les lignes verticales de mon papier peint. Le Poulpe... J'en avais entendu parler à l'époque comme le polar super gauche qui fait la nique au Front National, une bonne tranche de rigolade en perspective, de quoi vouloir renouer des amitiés durables avec une partie de l'humanité : ah... enfin autre chose que les SAS... Cool...

Alors j'ai lu. Super, on peut pas dire... dans le genre le mec con sexiste, on ne fait pas mieux ! En plus ça n'a même pas le côté second degré qu'on peut trouver dans SAS (il n'y a rien de plus drôle que de mimer les positions sex de SAS, à crouler de rire). En général, dans le Poulpe, l'hôtesse de l'air pulpeuse est remplacée par une bonne petite anarcho avec des petits dessous tout à fait affriolants. Car faut pas se leurrer notre Gabriel Lecouvreur c'est un vrai de vrai, un anar de chez les nanars : la preuve, il porte - tel un vaccin contre la variole - un A cerclé sur le biceps gauche. J'ai bien dit biceps, paraît que ça fait mieux pour un mec qu'un tatouage sur la fesse ! (de mauvaises langues disent que le A cerclé c'est le plus pratique pour camoufler les anciennes croix celtiques) et puis en plus il a un flingue, ouais ! Le vrai flingue qui fait "pan ! t'es mort". C'est de notoriété publique que tous les anars sont des poseurs de bombes (merci Daeninckx et les éditions de la Baleine : ils savent de quoi ils parlent... paraît qu'ils en ont déjà rencontré, des anars). Le Poulpe c'est le type phallo, violent, un peu con que vous croisez dans les bars rock. Et puis lui au moins il bouffe franchouillard, dans un café bien de chez nous ! L'est bien le p'tit Gabriel, il fait vivre les petits entrepreneurs : il baise les coiffeuses et se tape des pieds de porc (ou c'est le contraire je ne sais plus !). 

Mais comme c'est écrit sur la quatrième de couverture, c'est "un personnage libre, curieux, contemporain, qui aura quarante ans en l'an 2000". Bonjour son sens de la curiosité, notez, on ne peut pas dire, il a le nez pour humer la chatte bonne à être tirée. Parce que là, notre petit Gabriel, le coup de la Visitation, il connaît le scénar' sur le bout des doigts (ou du gland, au choix). Et puis, la position du missionnaire, ça agrémente les quelques pages du polar, ça lui donne un zest de cul, les lecteurs z'aiment ça. Ca fait vendre, quoi ! Et puis les gonzesses, dans un polar ça ne sert pas à autre chose qu'à satisfaire les phantasmes petit-bourgeois du lecteur ou tout simplement faire son éducation sexuelle. Car, on ne peut pas dire dans Le Poulpe, la baise c'est à la papa. Gabriel, il ne va pas se taper des homos, faut pas déc'. C'est un homme de vrai ! Gabriel ne flaire que les minettes de 20 piges, après c'est trop radagasse. Faut l'comprendre Gabriel. On voit que tu n'penses pas à son confort. 

La pensée inique de Cyril Berneron, autopsie d'un poulpe ordinaire Comme ce fameux polar de Cyril Berneron, La pensée inique qui se passe dans les milieux "subversifs" de Montpellier. Au bout de la quatrième page du bouquin : "Montpellier, Montpellier... réputé avoir les plus belles filles de France. Si je dis ça à Cheryl, elle va encore être jouasse !" (p. 16) Je précise pour les non- lecteurs du Poulpe, Cheryl, c'est sa régulière, une blonde un peu pouf', qui tient un salon de coiffure, je sais..., elle aurait pu être steno-dactylo!

Cheryl "descendit la braguette de son homme et y plongea la main, l'utilisant comme une gaine. Elle se retourna en soulevant lentement sa jupe, dévoilant une absence de dessous qui fit rêver le Poulpe. " (p. 18) La femme est disponible "tais-toi et suce!" ... Foutrement révolutionnaire.

"Cependant une chose est certaine, les filles ne sont vraiment pas mal..." (p. 20). J'explique la scène : Gabriel est à une terrasse de bistrot à Montpellier et il mate les vagins sur pattes. "Il était là comme au musée (Lui qui avait toujours cru détester les musées, dans un musée de sculptures, presque exclusivement de déesses callipyges." Je traduis pour les ignares comme moi, ça signifie callipyge "qui a de belles fesses". C'est vrai, les femmes, c'est des potiches offertes à tous pour le plaisir de ces messieurs les rebelles-dans-une-société-qui-les-étouffe. 

Gabriel "s'installa sur les marches entre une belle blonde visiblement suédoise, et un type brun visiblement anar. Entre les deux son cœur balançait. D'une part, il apprendrait une jolie langue étrangère, de l'autre il savait pertinemment qu'il avait plus de chance de progresser dans son enquête" (p. 27). Non, non n'imagine pas que par la suite il se tape le beau brun anar, éh! Gabriel c'est pas un pédé ! 

Bon suite du polar, je résume because l'histoire est super complexe : Gabriel en compagnie de son beau brun anar mais pas pédé va visiter un centre autonome de Montpellier, un truc super cool et vachement secret. 

"- Salut Nico, j'amène un pote, tu peux me filer les clés pour lui faire le tour du propriétaire ?

- Je pense pas que le Pape se laisse faire!... Tu sais avec sa peur des pédés. Enfin vas-y, s'il la ramène envoie-le chez Satan, ils devraient bien s'entendre..." (p. 54)

Ouarf! Ouarf ! on rit. C'est nous les gars de la narine, bon je continue mon autopsie de la Pensée inique (Euh... pas la mienne... ça a failli.)

"Elle étudiait les lettres modernes à la fac, il causèrent littérature avec plaisir." (p.55). On attend tous avec une certaine excitation quand et comment il va s'la faire. Et ben non, il se la tape pas. Elle devait être trop moche ou trop intello (elle sait lire de la littérature et des lettres modernes et Gabriel discute avec elle d'égal à égale. Imbaisable, donc.. Gabriel va pas s'emmerder avec une petite bécheuse qui doit même pas savoir couper les cheveux en quatre).

Bon après je vous passe la séance où notre James Bond se cuite la gueule entre hommes, à la bière parce que ça fait pisser! Pour arriver au moment le plus hot (Rhâââ Lovely!!!). Gabriel est tellement déchiré que quand il se réveille, il sait plus trop où il est mais c'est un fin limier et il sent : 

"Une présence féminine... ou un castrat ! L'alternative n'était pas alléchante." (p. 66) Bref, je résume : il sent qu'il y a des choses sans couilles dans les parages.

"Un mystère de bon augure devient un mystère désirable. Mystère désirable et mystère féminin font bon ménage. Il fallait donc que ce soit une femme. Une femme désirable aurait sa préférence. Et ce fut. Confortablement installée dans le fauteuil, Perrine jouait avec un miroir de poche." (p. 66-67) 

Vous imaginez la scène, la gonzesse qui se dandine dans un fauteuil en remuant un miroir de poche, vous savez ce truc qu'ont toutes les nanas dans leur sac à main. Faut dire que c'est plus érotique que si elle se dandinait en jouant avec un tampon hygiénique ! Et puis la Perrine, blonde platine, elle a un petit côté Emmanuelle sans le fauteuil en osier. Mais pour ces vieux croulants, c'est toute leur jeunesse (B.B. ou Mireille Darc), la belle époque où la communauté des femmes faisait partie des discours utopistes de l'ultra-gauche ! (les Femmes, c'est de la Mécanique, non ?). Bon après je vous passe le cri du cœur que Gabriel lance à la vue de la poitrine avantageuse de Madame : "Les obus furent libérés", putentraille, v'là la guerre de 14-18 et son sinistre cortège appelés à la rescousse. Pour finir des considérations de vieux schnocks qui se remémore le bon vieux temps où wonderbra et silicone n'existaient pas, au moins on n'était pas trompé sur la marchandise. Ca me rappelle Frédéric Dard qui s'insurgeait contre la mode des collants dans les seventies... A la différence que San Antonio, ça n'a jamais été un ardent militant de Ras l'Front. Mais je crois que l'apothéose de cette misogynie ambiante se caractérise à travers ces quelques mots : "La belle était maintenant apte à faire de la publicité pour parfum." Sans commentaire.

Colchiques dans les Prés : le démon de midi d'un ultragauche Effectivement, c'est la pensée d'la nique, ce bouquin... Comme je suis toujours dans un état un peu comateux et encore pas très remise, j'ai profité du temps libre pour en attaquer un autre: Colchiques dans les Prés de Serge Quadruppani (Actes Sud, 2000). Vous savez, paraît que c'est un type vachement militant (y signe plein de pétitions et puis c'est un ancien de la Banquise), peut-être qu'il allait me rabibocher avec le polar de gauche. 

Le fond de l'histoire traite de la violence gratuite, le terrorisme merdique des années soixante-dix qui entretient l'esprit de système : ça change de la violence physique du Poulpe. Mais hélas, Quadruppani se laisse un peu désirer quand il faut sortir de la misogynie des polars. Il se fait un peu vieux peut-être que le démon de la cinquantaine le tiraille du côté des gonades. 

L'histoire en gros : un keum, Simon sort de taule après 17 ans d'enfermement pour acte terroriste et homicide volontaire (ce dernier imputé à tort). Il veut se venger de ses trois anciens copains qui l'ont gentiment lourdé à l'époque et qui l'ont laissé tranquillos moisir dans une cellule pour un crime non commis. Lorsqu'il sort, il se rend compte que sur le trio de salauds, deux, Marie et Michel sont depuis ces années plutôt ratées plein aux as. C'est franchement dégueulasse, sans oublier que la Marie, il en était fou amoureux à l'époque. La haine ! L'a même tiré un coup avec elle avant qu'il fasse sa belle connerie. Bref, nous compatissons pour Simon.

Marie est un personnage décrit vraiment comme une salope (désolée d'utiliser ce mot, mais c'est l'unique qualificatif valable). La gonzesse qui dans les seventies se tapait les copains des copains, mais qui n'est qu'un trou ne pouvant jouir que de manière artificielle et déshumanisée : slips fendus, vibromasseurs (une invention du capitalisme, c'est technologique vu que ça marche à piles ces joujoux... on voit déjà toute la symbolique : elle baise ave le grand capital. Libérez les vibros!). Cette mère indigne et perverse a une fille, Nausicaa, qui a dix-sept ans qui rejette en bloc toute cette éducation de vieux babos attardés devenus d'horribles yuppies (ils baisent avec des trucs et puis ils se font du blé sur le tiers-monde en utilisant une main-d'œuvre illégale). Elle est encore vierge de tout contact masculin dans son "moi intérieur" (c'est poétique, non ? t'inquiète, j'l'ai pas inventé). Bon, Simon veut se venger de ses anciens copains en faisant chanter la fille de Marie mais lorsqu'il la rencontre, il la trouve super ! Il se reconnaît en elle, dans ses interrogations existentielles, et tout et tout. On se dit, notre héros va se la bai-ser ! Et ben non, t'as tout faux. Sur le coup, agréablement surprise, je me dis super enfin, une relation normale entre un homme et une femme, bref un début de dialogue, quoi ? on lui pardonne même la description de la mère comme utérus insatisfait. Je me recale au fond de mon plumard, soulagée : Quadruppani, il a pigé le truc : il fallait casser ce pli mental récurrent dans le polar français où toute une catégorie de la population ne sert juste de repoussoir ou de tiroirs à phantasmes. Quel pied de lire les phrases suivantes :

" - T'en fais pas, les lolitas, c'est pas mon truc.

- Les vieux, c'est pas le mien, on est faits pour s'entendre." (p. 98)

Et puis patatras, faudrait pas pousser papy Quadruppani dans les orties du féminisme.

Suite de l'histoire : Nausicaa, elle a un problème, elle est pas terrible. Ben ouais, elle est moche. Tu comprends bien que le vieux mâle n'va pas se taper une mochtingue même s'il en pince pour la mère. C'est vrai, le héros, il faut qu'il tombe des canons. Et puis comme elle est moche, elle est plutôt intelligente même vachement balèze. Alors, il faut savoir qu'il y a deux postulats implacables dans la vie d'une femme, on lui fait comprendre très vite l'enjeu de sa survie : si t'es belle, tu peux permettre d'être atrophiée de la cervelle (ça change un peu, un minimum de conversation pour briller dans les salons est toutefois de plus en plus requis). T'es moche, t'as qu'à être giga-active du bulbe. On te plaindra secrètement en disant "elle n'a que ça, faut la comprendre". Si t'es belle et futée : là t'es mal barrée cause toujours, ces messieurs, tout ce qui les intéresse c'est ton cul ! Si t'es conne et moche, c'est p't-être le plus cool, au moins on te fout la paix et t'es sûre de ne pas être dans un polar !

Mais reprenons l'autopsie du roman ultragauche. Car quoiqu'on fasse papy Quadruppani, il est vraiment pas sympa avec ces persos féminins. Enfin moi je trouve qu'il aurait pu la faire belle, au moins on aurait pu se rincer les mirettes, vise le plan-baise avec le vieux croulant... qui rappelons-le n'a pas tiré son coup depuis dix-sept ans. C'est inhumain de laisser un mâle dans cette situation-là ! Mais c'est là toute l'astuce de l'auteur, elle doit être moche. Pourquoi moche ? Pour que le vieux n'ait pas envie de la baiser.... Ouais... Et pourquoi il ne doit pas la baiser ? Ahahah ! mais parce qu'elle peut être sa fille ! (j'te rappelle que le Simon s'est tapé la Marie, il y a dix-sept ans, alors calcule !).

Tu vois l'horrible dilemme, le nœud (passez-moi l'expression) du problème. Il ne faut pas qu'il la baise, car il y a inceste possible : le comble de l'horreur, pas un Oedipe au féminin alors papy Quadruppani la fait moche, ça calme les ardeurs. Ouf ! Les bonnes mœurs sont sauves.

Nausicaa a une copine de son âge, Camélia, super canon. Évidemment, le héros de notre polar ne lui fait pas les mêmes réponses elliptiques qu'avec Nausicaa. Déjà, Quadruppani nous fait une description franchement gratuite d'une scène de pré-viol où ladite Camélia entourée par une dizaine de jeunes gothiques doit se faire sodomiser ou pénétrer la chatte (c'est pas précisé, désolée) par "un épais bâton de bois sur lequel sont gravés des signes de diverses traditions ésotériques" (p. 131) Entre nous j'espère que ce ne sont pas l'ensemble du Corpus Hermeticum qui est gravé, because c'est plus qu'un bâton qu'il faudrait... Mais notre ex-taulard est là pour sauver in extremis Camélia de ce nouveau rite initiatique en cassant la gueule des satanistes. Costaud le mec ? Et puis en plus c'est bien viril : Ecce Homo ! Bon comme Camélia, elle est canon et puis Simon l'a sauvé d'un viol, c'est normal qu'il se la tape à un moment ou un autre ! Il fait la fine bouche mais c'est une perverse, elle l'excite et puis elle est si jeune, donc désirable, donc baisable...

Que penser de ces nouveaux polars qui sont tournés vers un public de gauche ? polars qui veulent s'intégrer dans un militantisme quotidien en dénonçant le fascisme ou le Front national. Lorsque l'on lit la presse de l'ultragauche, on voit qu'il est de bon ton d'écrire un Poulpe, label de qualité, preuve de son engagement actif pour la bonne cause. L'acte militant par le polar est une chose, encore faut-il qu'il réponde vraiment à un militantisme "libertaire". Il y a un moment on en a un peu marre de voir un Poulpe, mal vieilli, le nouveau représentant de la beaufitude. Pour lui, être libertaire c'est surtout l'être de la queue, on se l'imagine bien dans les années soixante-dix, jeune révolté théorisant de beaux discours au fond des baisodromes.... allez Messieurs et Mesdames les polardiens, secouez-vous les puces! Quant à moi, je laisse tomber les polars. Je crois que je vais me remettre à lire un bon vieux Stephen King, finalement, c'est bien à gauche de tout ça !
 

Syb (07/02/00)

 
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