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partie]
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Suite
d'une convalescence livresque...
Passons
aux choses sérieuses :
Toni Negri
en Exil
Après un bon Stephen King exposant
la vie horriblement insipide d'une femme dans l'Etat du Maine-USA (Dolores
Clairbone, J'ai Lu,1993), je me décide à passer à
des choses un peu plus "sérieuses". Ayant la cervelle un peu moins
avachie par les médocs, commençant à entrapercevoir
le bleu du ciel à travers la fenêtre de ma piaule, je me mets
à potasser Toni Négri, Exil, (Éditions Mille
et une Nuits, 1998). J'aurai mieux de prendre un autre Stephen King. Le
livre de Toni Negri est court, c'est déjà ça. C'est
une série d'entretiens condensés en quelques chapitres. Ces
conversations ont été réalisées juin 97, juste
avant son "retour" en Italie. Bon, ça c'est l'intro. N'attendez
pas de moi que je vous fasse un panégyrique d'Exil de T. Negri.
Vu que sa lecture m'a plutôt énervée. Même si
aussi j'aime bien Giacomo Leopardi, sans déconner ! mais bon, ça
a un peu vieilli, non !
Je laisse de côté toutes
les aberrations historiques citées dans Exil même si
elles ne manquent pas de drôlerie comme sa fascination pour "la
grandissime République hollandaise" qui existe pour lui depuis
le XIIe siècle (sic !)
et où "les individus étaient déjà riches".
Par riches, il sous-entend la richesse intellectuelle, l'acquisition d'une
certaine plénitude, bref un vive les Pays-Bas de l'époque
moderne, c'est peut-être oublier certaines considérations
même celles fort classiques de Voltaire sur Surinam... Amusantes
aussi, c'est tout son hiatus sur l'inexistence des lasses sociales actuelles
alors qu'elles existaient avant, à mon avis c'est plus complexe.
et ces considérations sur les classes sociales. Laissons tomber
ses commentaires sur la moyenne de vie avant l'époque post-moderne,
qui d'après le philosophe ne dépassait pas les quarante ans...
euh... et ce qui d'un point de vue intellectuel, poussait à réfléchir
à court terme. Je ne vais pas débattre sur ces statistiques
bonnes pour l'école des annales, mais pas mal de gens vivaient plus
longtemps, même si Spinoza est mort à quarante balais !
Bon le problème à papy
Toni, c'est qu'il identifie sa propre existence à celles des autres.
Tout son truc sur le cerveau-machine, chui pas certaine que tous les travailleur-ses/
citoyen-nes soient dans les mêmes angoisses, et il y a encore parmi
nous pas mal de gens qui ne sont pas utilisées comme cerveaux, mais
bien comme des machines remplaçables par d'autres. On a pas tous
un ordinateur connecté sur le virtuel, et on ne passe pas non plus
tous non trois-quart de notre vie à théoriser sur le non-sens
de la vie... (comme je suis en train de le faire !).
Spinoza, une
philosophie tout en un
Ni tout son truc panthéiste
(genre le Tout dans l'Un, ça a même des p'tits côtés
New age mais je vais en énerver plus d'unE si j'insiste sur cet
aspect) ou encore "Spinoza le père de tous les athées"
et itou ! Vu que sur Spinoza, d'après ce que j'ai pigé ça
se discute paraît que spinozisme c'est pas Spinoza, mais surtout
qu'à mon avis il y a plusieurs sortes d'athéisme, le spinozisme
en est un parmi d'autres. "Athée" que je suis, je tiens justement
à me passer du Père... Mais Toni Negri a des super idées,
parce que si c'est son job c'est de nous remplacer Marx par Spinoza, il
va jusqu'à revendiquer "un franciscanisme laïc et athée",
là je suis époustouflée par cette nouveauté
: la spiritualité de François d'Assise, sa pauvreté
évangélique, cet ordre mendiant excellant dans l'Inquisition,
une nouvelle chance pour l'athéisme ?! Ca va secouer dans les conventicules,
c'est la révolution des Fraticelles. C'est quoi ce machin, une nouvelle
communauté charismatique, mais athée cette fois-çi
? genre Jésus Sans-Culotte ?
Défendre
la vieillesse
L'autre truc qui tarabuste
Toni Negri, c'est l'âge qui avance à grand pas. Il a beau
nous répéter le contraire, mais on ne peut être qu'à
moitié convaincu lorsqu'il nous explique que vieillir n'est pas
une sénescence intellectuelle et physique (il nous soutient, que
d'après son dernier check-up, il est en super santé! Ce que
je lui souhaite). La vieillesse, c'est pour lui "un élargissement
dans la simplicité et dans la douceur. Le vieillissement n'est pas
une cessation mais, au contraire, une extension douce et apaisée
de la capacité d'agir." (p. 48). On imagine le type qui a soixante-cinq
ans veut pas décoller sa place de son fauteuil au Collège
International de Philosophie ou de fac estimant qu'il a la cervelle encore
juvénile... que le rayonnement intellectuel se fait au crépuscule
de la vie... ouais... ouais... "Mandrin d'un jour, mandarin toujours..."
Plus loin, il nous fait son laïus anti-jeunes "non pas que les
vieux soient plus sages, mais simplement parce que dans la vieillesse on
peut vivre davantage. J'ai toujours été dégoûté
par les rapports sexuels et l'érotisme des jeunes, avec leur rapidité,
leur violence de désirs animaux." (p. 49) Pourtant quand on
lit les Poulpes et les Quadruppani, on est plus que désespéré
par le sexisme conformiste des ces vieux révolutionnaires ! Ce sontbien
les premiers à se comporter comme de vieux "dos argentés".
Les Femmes,
ah... les Femmes
L'entretien commence bien.
Je plagie because je suis un peu fatiguée : Tony Negri nous affirme
que tout le monde travaille puisque tout le monde contribue à la
construction de la richesse sociale. Bon, là-dessus, tope-là
! C'est la suite du discours qui tourne vinaigre : "Comme le dit Christian
Marazzi, la production de la richesse est assurée aujourd'hui par
une communauté biopolitique (le travail de ceux qui ont un emploi,
mais aussi le travail des étudiants, des femmes, de tous ceux qui
contribuent à la production de l'affectivité, de la sensibilité,
des modes de sémiotisation de la subjectivité)" (p. 17).
T'as lu comme moi, les femmes n'ont
pas d'emploi, elles ne sont pas étudiantes non plus... Mais elles
produisent elles aussi mais plutôt de l'affectivité, de la
sensibilité et des trucs sémiotico-subjectifs. Moi, j'me
dis : Toni Negri, comme il identifie son existence à la multitude
des autres, il doit pas avoir de copine ou alors elle ne travaille pas,
mais le chouchoute pas mal. Dans tous les cas, je me sens super concernée
par ces considérations très relevées (manque plus
que l'intuition est naturellement féminin...). Plus loin dans le
texte il y a même une référence à la maternité
comme un truc hyper productif : rien contre, note, mais bon chuis pas un
athanor ventru...
Je ne peux que te citer ce passage
sur le "devenir femme du travail", pour lui c'est la théorie
de l'avenir. Vu qu'il parle de femme, je me sens concernée, à
savoir à quoi je vais être bouffée aujourd'hui :
"En réalité, il n'est
plus possible d'imaginer la production des richesses et des savoirs si
ce n'est à travers la production de subjectivité, et donc
la reproduction générale des processus vitaux. Les femmes
sont au centre du problème." [etc.] Je résume : les hommes
produisent des savoirs, les femmes reproduisent des êtres humains
et des affects. Je reprends le blabla :
"je crois qu'aujourd'hui le devenir-femme
du travail est une idée absolument extraordinaire. On est confrontés
à un devenir-femme du travail parce que la reproduction, les processus
de production et de communication, les investissements affectifs, les investissements
qui concernent l'éducation et la reproduction matérielle
des cerveaux, sont en train de devenir toujours plus essentiels. Bien entendu,
il est évident que les femmes ne seront pas les seules à
s'occuper de tout cela : c'est une masculinisation des femmes et une féminisation
des hommes qui est à l'œuvre de manière inéluctable
à l'intérieur de ce mécanisme."
Ainsi si Toni Négri désire
un changement notable, il est pour lui implicitement évident que
les femmes ne sont que des reproductrices et les hommes des producteurs.
Il ne remet jamais en question dans son discours le fait que cette division
sexuelle est l'interprétation d'une société à
dominante masculine, et non une réalité. Mais Toni Negri
ne s'encombre plus de tout ce fatras un peu marxisant.
Là je suis restée perplexe,
c'est l'exemple qu'il choisit pour illustrer sa théorie de "l'éternité
du présent vécu à chaque instant qui passe" :une
femme qui l'a trahi, c'est une salope (p. 50). Dis moi papy Toni, t'aurais
pas d'autres exemples un peu moi macho à nous ingurgiter. Salope
? parce qu'elle t'a trahi... bah tiens ! elle en avait peut-être
sa claque de ton côté phallo. T'as raison Toni, c'est vraiment
toutes des salopes...
Syb (07/02/00)
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