Analyse systémique

Modélisation de la bureaucratie

(pour la version anglaise, cliquer sur le drapeau)

L' Objet de cette page est de présenter un modèle que nous utiliserons pour rendre compte des dysfonctionnement observables dans le fonctionnement des organisation (quelque soit son but : entreprises, association, administration ...).
L' intérêt de la méthode est d' être utilisable pour rendre compte du fonctionnement de tout type d' organisation avec un seul type de schéma.

Pour une présentation détaillée, retourner vers home page.
Voir en manière d' exemple le cas "Informix" où la méthode sert à définir un processus d'amélioration de la qualité.

Pour une présentation général d'une société (à un niveau macro économique) voir la "dynamique des forces sociales".

Sommaire:

  1. Définition d' un modèle élémentaire:
  2. Modèle à 3 niveaux :
    Niveau n°1 : Le système face à son environnement
    Niveau n°2 : Staff & Line
    Niveau n°3 : L' acteur et le système
  3. Analyse systémique des dysfonctions bureaucratiques
    Niveau n°1 : Stratégie
    Niveau n°2 : Tactique
    Niveau n°3 : Réalisation
    Utilisation de règles de comportement imposées aux employés
    Utilisation de règles de travail imposées aux ouvriers
  4. Synthèse

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1/ Définition d'un modèle élémentaire:

Pour clarifier notre vocabulaire par la suite, nous nommerons:
"Acteur" (noté "A") un sujet pouvant tour à tour être observateur ou témoin, acteur dans un système ou bien "agi", ballotté par son environnement.
Le terme d' "Acteur" , présente l'avantage de mettre l' accent sur la volonté du sujet, sans pour autant préjuger du type de rapport qu'il est amené à entretenir avec son environnement: actions ou / et observations, actives ou / et passives;
"Système" (noté "S") la vision que l' acteur se fait du Monde dans lequel il évolue, sa perception forcément anthropocentrique de celui - ci.
La représentation du système est un "Modèle" créé pour les besoins d' un "Observateur" particulier. Il peut arriver que cet "Observateur" soit lui - même l' "Acteur" en question .
Pour définir le jeu de l' "Acteur" face au "Système", nous assimilerons chacun des deux antagonistes à un joueur.
L' un comme l' autre tente de maximiser son espérance de gain et de minimiser son risque de perte (loi du minimax).
La théorie des jeux schématise cette situation de face à face par une matrice des gains et pertes.
La matrice suivante indique les gains de A et les pertes de S :

    pertes de "S"
    (s1.....si.....sn)
gains de "A" a1
...
aj
...
ap
g11...g1i...g1n
...
gj1....gji....gjn
...
gp1...gpi...gpn


Chacun des protagonistes est représenté par l' ensemble des états qui lui sont accessibles.
Dans notre exemple, A peut prendre p et S n états différents.
Nous définirons en extension A et S par l' ensemble des états qu' ils sont susceptibles de prendre.
A = (a1,....,ap) l'ensemble des actions retenues par l' Acteur,
S = (s1,....,sn) l'ensemble des états de son Environnement pertinent, sa cible.
Le gain gji n' est acquis qu' après réalisation de l' action d 'un joueur et la réaction consécutive du joueur antagoniste, ensemble que nous appellerons "transaction".
Dans la représentation matricielle précédente, le déroulement de la transaction proprement dite est escamoté.
Or, nous recherchons au contraire un modèle qui mette directement l' accent sur le déroulement de la transaction et non sur le gain proprement dit.
C' est précisément l' objet de notre modèle : L' acte de jouer peut se ramener, lorsque A fait un choix ai au schéma suivant:

  1. Choix de A : A ==> ai
  2. Action de A : ai ==> S
  3. Choix de S : S ==> sj
  4. Réaction de S: sj ==> A
S
A

ai Î A

sj Î S


A et S ayant formellement le même statut, la réponse de A à une sollicitation de S suivrait le même schéma.
Par la suite, nous adopterons la terminologie suivante:
A, S, ai & sj seront appelés les "pôles" du système.
(A, ai) & (S, sj) seront appelés "dipôles" du système
Le modèle lui-même, mettant en relation les deux dipôles précédents sera appelé "sénaire" . On peut montrer qu' il est possible d' utiliser notre sénaire dans tous les cas de la théorie des jeux.
Pour notre propos, retenons simplement que le jeu opposant A & S peut nécessiter non pas une seule, mais une série de transactions. Cette série peut être statistiquement déterminée, comme dans le cas des stratégies "mixtes", ou destinées à tester les réactions de l' adversaire, comme dans le cas des jeux coopératifs. Entre alors dans le modèle une notion d' apprentissage par "essais et erreurs".
Pour une présentation complète: voir analyse synchronique.
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2/ Modèle à 3 niveaux.

L'organisation en 3 niveaux distincts est assez universelle, pour ne pas être étonnés d'avoir à la privilégier ici.

Dans une organisation, une première constatation s'impose: l'interdépendance de phénomènes n'agissant pas avec la même constante de temps.
Un modèle simple comporte au minimum 3 échelles de temps distincts, définissant trois niveaux de l'organisation.

niveau n°1 : L'organisation face à son environnement,
niveau n°2 : L'organisation en soi : le "staff & line",
Staff:
représente la plus haute autorité, celle qui définit la politique générale. Ce peut être le conseil d'administration, une direction générale, un état major ou un bureau ministériel.
Line:
regroupe la ligne hiérarchique , chargée par le staff de rendre opérationnelle sa politique générale.
niveau n°3 : la hiérarchie face aux exécutants.
L'ouverture de l'organisation sur l'extérieur s'observe aux limites du modèle, aux coupures que nous créons volontairement d'une part en arrêtant d'inclure celui-ci dans un modèle plus vaste, d'autre part en limitant la décomposition de ses constituants élémentaires à l'"acteur" final.
Au niveau n°1, le travail prend un sens pour l'environnement pertinent de l'organisation, tandis qu'au niveau n°3, cette dernière puise son énergie dans son environnement (c'est l'utilisation du travail).

Niveau n°1 :

Ce champ d'activité est, pour reprendre Sun Tzu celui de "la vie et de la mort", le champ de bataille où se décide l'existence même de l'organisation.
Modélisons par exemple l' activité de l' entreprise face à ses clients:

  1. Le staff définit une politique commerciale
  2. Les opérationnels agissent sur la clientèle
  3. la clientèle influe sur la perception de l' image de la société
  4. l'environnement réagit sur le staff: le marché augmente ou diminue

 

Niveau n°2 :

Chacun des deux pôles de l'organisation vu précédemment se dédoublent:
Le Staff, non seulement décide de la politique à suivre, mais encore en contrôle les résultats.
La ligne hiérarchique, se partage entre ceux qui organisent l'action et ceux qui l'exécutent.

  1. le Staff définit les objectifs
  2. les fonctionnels définissent les objectifs des opérationnels
  3. l'action des opérationnels est contrôlée
  4. le Staff réagit aux écarts par rapport aux objectifs.

 

Niveau n°3 :

A ce niveau s'organisent les rapports quotidiens entre la hiérarchie et les exécutants, là se négocie au jour le jour la vie de l'entreprise.
La hiérarchie :
commande aux exécutants,
attend un résultat en retour.
Les exécutants :
exécutent les ordres,
attendent une rétribution en retour de leur travail.
 

Pour distinguer les deux états des exécutants nous utiliserons

le terme "ouvrier" dans le sens étymologique : qui oeuvre, qui réalise un travail
le terme "employé" lorsque nous nous attacherons au statut social de l'exécutant.
Statut qui lui garanti ses droits à percevoir une rétribution en échange de son travail. Statut que lui confère précisément le fait d' être " employé", de faire partie de l' organisation.

(Remarque: cette structure à 3 niveaux peut être vue comme un hexagramme chinois. Voir ma page Y King)
Voir également la synthèse concernant ce type de modèle à 3 niveaux hiérarchiques.

Au sens ou nous l'entendons, chacun dans une organisation est conjointement "ouvrier", par ce qu'il fournit à l'organisation (sa contribution) et "employé" par ce qu'il en retire (sa rétribution).

  1. Organisation du travail en fonction des objectifs
  2. Demande de travail aux exécutants
  3. Demande de rétribution pour la contribution demandée
  4. Effet rétroactif: le statut social obtenu limite les possibilités d'action de la hiérarchie

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3/Analyse des dysfonctions bureaucratiques

Cette analyse reprend et développe l'analyse sur les dysfonctionnement bureaucratiques présentés par March & Simon dans leur ouvrage "Organisations".
Pour comprendre se qui caractérise une bureaucratie, nous allons étudier la réponse d'une telle organisation à une perturbation extérieure perçue au niveau n°1.
Remarque:
l'analyse de la réponse à une perturbation est une méthode assez générale en automatisme.
Nous allons regarder comment peut être ressentie cette perturbation à chaque niveau, et comment chacun peut réagir (quel est son espace de jeu).

Niveau n°1 :

Comme exemple de perturbation, prenons l'émergence d'une mauvaise image de marque dans le public. Celui-ci juge négativement les prestations de l'organisation.
La réponse classique d'une "bureaucratie" est de renforcer son contrôle interne par des règles impersonnelles imposées à l'exécutif et aux employés (normes de fonctionnariat).
Au lieu de définir une politique puis de laisser le soin à la ligne hiérarchique de transformer ces directives en actions concrètes, la hiérarchie se trouve court-circuitée par les services de "contrôle".

  1. Le staff définit des critères de régularité
  2. Les opérationnels agissent sur la clientèle
  3. La clientèle influe sur la perception de l'organisation par son environnement
  4. L'environnement réagit sur le staff

Le cercle vicieux tient à ce que chaque écart entre la réponse du marché et l' attente du staff pousse celui - ci à rajouter des critères: la bureaucratie a une tendance naturelle à s' alourdir au fur et à mesure de son incapacité à trouver les bonnes réponses aux stimulus de son environnement.
Nous allons voir dans les niveaux inférieurs, pourquoi une politique définie ainsi en termes de "moyens" formels et non de "fins" induit des dysfonctionnements.

 

Niveau n°2 :

La séquence "naturelle" d'enchaînement des actions serait:

Staff -----> Hiérarchie -----> Exécutants ------> Contrôle -------> Staff


Ici, les règles définies par le Staff s'appliquent directement aux individus, en dehors de l'autorité de la hiérarchie directe.

  1. Le Staff définit les critères de contrôle
  2. Les exécutants appliquent les critères
  3. Le contrôle vérifie les résultats de la hiérarchie
  4. Le Staff réagit aux écarts en renforçant le contrôle

On note la position ambiguë de la hiérarchie dont l'action est contrôlée, mais qui ne dispose pas réellement de moyen d'action direct sur les exécutants.
Pour sortir de cette situation, la hiérarchie peut :
soit calquer son comportement sur celui du staff (c'est le phénomène des "petits chefs"),
soit se prolétariser et suivre les exécutants dans leurs revendications.
Dire que la hiérarchie tente d'échapper à ce champ, en glissant vers le haut ou vers le bas, c'est dire que ce champ d'action est instable.

Dans tous les cas, il y a perte d'identité.

Niveau n°3 :


Nous allons voir le jeu des relations quotidiennes entre hiérarchie et exécutants au sein d'une bureaucratie.
Deux cas peuvent se présenter:
Soit la hiérarchie est attentive aux normes réglementant la façon de réaliser le travail,
Soit elle veille à faire respecter les normes de comportement des employés.

Utilisation de règles de comportement imposées aux employés:

Il s' agit ici de contrôler non pas le travail effectué, mais le comportement général: assiduité, tenue, apparence et tous autres signes annexes à la l' objet principal de l' activité.
C' est une amplification, par la hiérarchie des normes édictées au sommet de l 'entreprise.
Cette attitude peut être le signe de plusieurs phénomènes:
Soit la hiérarchie cherche à préserver la parcelle d' autorité que lui laisse le système (phénomène des "petits chefs")
Soit elle est techniquement incapable de diriger ses subordonnées et cherche à masquer son incompétence (elle se donne de l' activité).

  1. La hiérarchie exige une observation stricte des normes de comportement
  2. Le jeu des exécutants est de respecter la norme, en perdant de vue la finalité du travail.
  3. Les écarts constatés ne sont pas sanctionnés, tant que la norme est respectée. Possibilité de grève du zèle.
  4. Effet rétroactif: la hiérarchie renforce son exigence de régularité

Il y a un cercle vicieux qui échappe au contrôle de ce niveau. Il faut que les dysfonctionnements deviennent suffisamment graves pour être perceptibles au niveau n°1 pour qu'il y ait une réaction des niveaux supérieurs.
Mais non avons déjà vu que la réponse tendra encore à renforcer l'appareil réglementaire.

Utilisation de règles de travail imposées aux ouvriers :

Dans ce cas, la hiérarchie, empruntant les moyens d'action de la direction générale dans son domaine propre, rajoute ses propres normes quand au travail à réaliser.
Face à cette situation, les exécutants peuvent jouer une série de contraintes contre l'autre:
Relever les points concernant le travail en contradiction avec le statut (paiement des heures supplémentaires, récupération, repos compensateur ....).
Ou bien, de façon symétrique, ils peuvent faire évoluer leur statut en faisant évoluer les conditions de travail (utilisation du comité d'hygiène et de sécurité, prime de panier repas, prime de salubrité, prime de pénibilité...).

  1. La hiérarchie exige une observation stricte des norme de travail
  2. Le jeu des exécutants est de mettre en avant son statut.
  3. Le moyen de pression est la grève
  4. Effet rétroactif: la hiérarchie doit choisir entre une série de normes de comportements ou de résultats.

Le cercle vicieux ne peut être arrêté dans ce type d'organisation: un dysfonctionnement entraîne l' édiction d'une nouvelle règle qui, par suite de son imperfection, nécessite des dérogations ... Kafka n'est pas loin.

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"L' acteur et le système" de Crozier 1977 aux éditions du Seuil.
Ce qui conduit apparemment au paradoxe suivant: en tant qu' objet de l' attention du modélisateur : S A. D' autre part, en tant qu' agrégat de S: A S.
Le paradoxe se résout en remarquant que l' "Observateur", lorsqu' il réalise son modèle n' agit pas au même niveau de modélisation que l' "Acteur" pris en compte dans le "Système" observé.
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"Theory of games and economic behavious" de J. von Neumann & O. Morgenstern, Princeton University Press édition 1953. Traduction française J.P Séris.

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"La structure absolue" Raymond Abellio Editions Gallimard 1970.
Notre idée de départ a été en fait d' adapter cette structure à nos besoins.
Toutefois, l 'adaptation que nous en avons fait nous éloigne de la perspective phénoménologique de l' auteur.
Le terme de "sénaire" est de R. Abellio.
Terme qui tient au fait que notre modèle compte en réalité 6 pôles: les quatre définis précédemment, plus deux autres qui n' appartiennent pas au même niveau d' analyse du modèle et sur lesquels nous reviendrons ultérieurement.
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"L'art de la guerre" SUN TZU, en version française aux Editions Flammarion 1978.

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note sur le Yi King

Pour une lecture croisée d'un modèle à 3 niveaux et de sa transposition sous forme d'hexagrammes, voir la page Yi King.

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Quelques mots sur l'auteur

page updated on 09/11/01
author : Alain SIMON
© copyright 1998 Alain SIMON
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